Comment je suis tombée sous le charme d’un jeune homme de 90 ans... qui malheureusement n’a eu d’yeux que pour la sublime blonde placée à sa gauche !
Pierre Soulages est un génie. Un génie bienveillant qui vous rend meilleur quand on l'écoute. Le « peintre du noir et de la lumière » dont les œuvres connaissent un énorme succès au centre Georges Pompidou actuellement, est depuis plusieurs décennies l’une des figures majeures de l’Abstraction. Il en a connu tous les acteurs et a eu l’opportunité de rencontrer les plus grands artistes. Tous l'ont accueilli comme un des leurs dès ses débuts, ce qu’il conte encore émerveillé en racontant ses rencontres, comme Picabia.
Invitée à déjeuner dans la grande et magnifique bibliothèque de l’Automobile Club de France – un club "interdit aux femmes" (donc réservé aux dinosaures?), j’ai pu visiter ce lieu mythique adossé à l’hôtel de Crillon, face à la Concorde. Un cadre à la hauteur de l’orateur !
L’humilité de Pierre Soulages s’exprime à chaque étape de son parcours. C’est en 1979, nous confia-t-il, qu’en poursuivant un tableau qu’il jugeait "raté" – probablement en cherchant à reproduire une œuvre réussie – qu’il finit par aller se coucher, découragé. Ce n’est qu’au matin que « j’ai réalisé que j’avais débuté un véritable nouveau chemin de lumière conçue avec le noir ».
N’est-ce pas ce que nous faisons tous ? Tenter obstinément et en vain de reproduire, pour finalement se réveiller un jour en regardant le parcours effectué, prêt (enfin) à démarrer un nouveau demain ?
Artiste peintre, Pierre Soulages est aussi un véritable chercheur. Et c’est à l’Abbaye Sainte-Foy à Conques qu’il révèle son talent et son souci de la perfection en créant des vitraux exceptionnels tant par leur conception que par leur technicité. Une conception esthétique qu'il cherche partout en Europe avant de faire fabriquer un verre qui puisse produire la lumière, et non simplement la filtrer. Il réussit son pari et réalise alors qu’il va devoir traiter le recto et le verso de ces panneaux de verres, doublant ainsi le challenge qu’il s’est fixé. C’est suite à la réussite de ce projet plus ambitieux et unique que ceux qui voyaient sa peinture comme du noir l’ont vu comme un « conducteur de lumière ».
Didactique, il rappelle que le noir reste fondamental dans l’histoire de la peinture. Si l’on remonte dans le temps, non pas sur les 26 derniers siècles (art antique grec) mais les 180 siècles, on constate que les hommes ont de tout temps utilisé le noir pour illustrer les murs des grottes, notamment à Lascaux.
Pierre
Soulages termine l'évocation de son parcours actuel par ce qu’il appelle « l’outre noir », terminologie désormais galvaudée, et rappelle que "finalement le noir nous ramène à nos propres débuts puisqu’on dit "voir le jour" pour la naissance alors que l’enfant sort du noir"
L’œuvre est construite, réfléchie, comme l’homme qui conclut par une pirouette finale pleine d'humour : "mais pourquoi parler du noir puisque j’expliquais au début que je ne faisais pas du noir mais de la lumière ?! »
Après son expo à Paris, prévoyez d’aller en 2011 à Rodez où un musée Pierre Soulages est actuellement en cours de construction et dont l’esthétique promet d’être magnifique !
Pour ma part en attendant je vais aller voir l’atelier de Nathalie Decoster, entrevue a l’Agapé et avec laquelle j’ai partagé « Pierre Soulages ». J’adore ses bronzes (vus au Plazza Athenée) et ses pièces monumentales, un temps exposées sur les Champs Elysées. Cette jeune femme discrète qui cultive le mystère exposera bientôt en Amérique du sud, mais chut !
Ah ces artistes… bénis !
(
Photo de Vincent Cunillère)
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