Déjeuner-débat du Cercle MBC au Fouquet’s, le 1° juillet 2008.
Il est des personnes dont la seule présence transforme l’atmosphère d’une pièce quand elles y pénètrent. Une vibration, un rayonnement...
C’est le charisme.
Pourtant, Simone Veil est si proche, si touchante.
Déportée à Auschwitz au lendemain de son baccalauréat, elle reprend ses études de droit dès sa libération et se marie. Elle aura 3 fils.
Magistrate, elle lutte avec force contre les injustices, et se montre particulièrement sensible aux conditions de détentions dans les prisons françaises. En 1969, elle entre en politique en rejoignant le cabinet de René Pleven, Garde des Sceaux. Mais sa véritable carrière politique démarre au début du septennat de VGE, qui l’appelle au ministère de la Santé. Elle libéralise l’accès à la contraception et s’illustre en faisant voter en 1975 la loi qui porte son nom sur l’IVG - Interruption Volontaire de Grossesse, qui dépénalise l’avortement. Elle devient alors, et restera longtemps, la personnalité politique la plus populaire de France.
Ardente militante européenne, elle conduit la liste UDF aux premières élections européennes de 1979. Élue député, elle devient la première femme présidente du Parlement européen de 1979 à 1982. Au cours de son mandat, elle défend avec force et énergie ses conceptions supranationales, et développe son action sur les sujets qui lui tiennent particulièrement à cœur. Elle contribue, notamment, à faire connaître le Parlement européen à l'opinion publique européenne et à améliorer l'image un peu terne de celui-ci.Par ailleurs, elle développe les contacts avec les pays tiers en engageant l’institution dans la logique d'un élargissement de l'Union européenne.
En 1993, elle rejoint le gouvernement Balladur pour s’occuper des Affaires Sociales, de la Santé et de la Ville, et elle devient la première femme ministre d’Etat. Elle est ensuite membre du haut Conseil à l’intégration. En 1998, elle entre au Conseil Constitutionnel où elle siège jusqu’en 2007 (elle est la seconde femme à y entrer, et deux femmes seulement y siègent aujourd’hui).
Simone Veil souligne l’importance des femmes dans son parcours, femmes de tous pays et de toutes origines. Elle a nourri son féminisme de toutes ces rencontres, de toutes ces différences ! A ce titre, elle signale son admiration pour Madame Vike-Freiberga, ex-présidente de Lettonie, dont l’intelligence et la capacité de comprendre les enjeux l’ont extrêmement impressionnée.
Interrogée sur le féminisme et le rôle de la femme dans la société (à propos des discussions sur l’avortement au sein de l’Europe, à propos de ce mariage annulé pour « tromperie » sur la virginité de la fiancée), elle répond que malgré les progrès, la situation des femmes reste difficile, voire se complique. Elle évoque les rémunérations toujours systématiquement inférieures pour les femmes. Elle regrette que les femmes restent le plus souvent seules avec les enfants à charge, et que la condition féminine soit encore un fardeau dans la vie quotidienne. « On ressent que, plus les femmes chercheront à s’en sortir, plus elles poseront de gros problèmes aux mentalités masculines, qui sont si lentes à évoluer ». Elle dit dans son livre : « Je suis favorable à toutes les mesures de discrimination positive susceptibles de réduire les inégalités de chances, les inégalités sociales, les inégalités de rémunération, les inégalités de promotion dont souffrent encore les femmes. Avec l'âge, je suis devenue de plus en plus militante de leur cause. »
Autre sujet abordé, la prolifération des innombrables langues régionales ou minoritaires au sein d’une Europe qui a déjà bien du mal à se constituer solidement. Pour Simone Veil, il y a d’abord une faiblesse du sentiment européen, conséquence du pessimisme ambiant « Face au pessimisme, le retour aux racines, au village, c’est ce qui permet aux gens de garder un certain équilibre. Les langues régionales ou minoritaires sont un refuge elles aussi. Le sens de la famille reste très fort et c’est une valeur qu’il serait très dangereux de déprécier ! ».
Elle souligne l’importance, fondamentale à ses yeux, du fait d’avoir intégré l’Allemagne à un projet européen tout de suite après la guerre. Elle insiste aussi sur le soin qu’il faut prendre à ne jamais humilier son adversaire : « autrement, on ne peut plus rien construire ».
Aux USA, elle prédit la victoire d’Obama et déplore l’attitude arrogante d’Hilary Clinton, qu’elle a rencontrée. C’est une déception, car elle l’avait trouvée très intéressante. Elle espère leur réconciliation et peut-être un projet commun.
Rentrant d’Israël avec le Président Sarkozy la semaine dernière, elle commente son voyage avec réserve et sobriété. Elle ajoute à propos de Nicolas Sarkozy : « Maintenant, il va falloir qu’il se consacre en priorité à l’Europe pendant les 6 mois qui viennent ».
La vie de combat de Simone Veil force le respect. Sa personnalité suscite l’affection.
Cette femme de mémoire n’est pas nostalgique, elle n’est pas passéiste, elle se préoccupe du monde de demain, celui qu’elle lèguera à ses petits-enfants et à ses arrière-petits enfants dont la place est grande dans sa vie.
Elle a beaucoup voyagé, rencontré la plupart des « grands » de ce monde, vécu de très près les événements majeurs du XXe siècle, participé à ce que sont la France et l’Europe aujourd’hui.
Elle en parle sans forcer sa voix, et on l’entend très clairement.
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